"BELMAS, LE DOCKER SCULPTEUR "
CHRISTIAN BELMAS est né le 29 octobre 1950, dans le quartier du barrou à Sète, dernier de cinq enfants.
Son père, employé d’un chai sur le port, est évidemment chasseur et, habile de ses mains, fait lui-même ses mannequins (un peu rustisques) et des miniatures de bois pour son entourage.
Christian fréquente l’école Ferdinand Buisson mais, dès les petites classes, son esprit vagabonde vers le bord de l’étang de Thau plutôt que de se fixer sur l’écriture au tableau noir. Ses loisirs sont consacrés pour l’extérieur à la chasse et à la pêche.
A huit ou dix ans tous les petits Sétois ont une fronde et Christian n’est pas malhabile. Pour ce qui concerne l’intérieur, il apprend la guitare sèche, qui rentre plus facilement que le calcul et les récitations, et dont il parvient à jouer très correctement. Au catéchisme, il est presque brillant, ce qui cache une réalité plus prosaïque que l’illumination du seigneur : jusqu’à la première communion l’assiduité à la messe du Dimanche matin est essentielle, sous peine de redoublement, et le redoublement c’est un an de messes du Dimanche … Et un an de chasse en moins. La formalité sera donc effectuée dans les meilleurs délais.
A douze ans, Christian peut donc enfin chasser : la vieille carabine 12 mm de son père enterrée pendant la guerre et rafistolée fera l’affaire pendant quelques années. A quatorze ans, il est apprenti maçon et, à dix-sept ans doté d’une solide constitution, on lui propose une place de Docker : le salaire est attrayant et la souplesse des horaires (qui s’échangent facilement) est un élément déterminant pour le chasseur de gibier d’eau. Le voilà donc Docker.
Le président de l’équipe de foot du Barrou, qui souhaite s’attacher ses services, use d’un stratagème efficace : s’il accepte d’entrer dans l’équipe, le président, qui dispose de place, lui gardera ses appelants vivants. C’est un argument décisif du « contrat » et Christian Jouera au foot, pour autant que cela n’empiète pas sur la chasse…
En 1979, il fabrique son premier appelant en bois : un colvert, puis deux, puis trois. Comme il les trouve un peu simplistes, il les améliore petit à petit. Cela se sait au Barrou, puis dans Sète. A cette époque, plus personne, ou presque, ne fabrique de mannequins en bois, et les déçus du plastique viennent le supplier de les dépanner : cédant aux pressions amicales, il en fait pour quelques amis, entre deux entraînements au tir à l’arc. Le problème, c’est qu’il se prend au jeu : il ne supporte pas qu’un nouveau canard ne soit pas mieux fait, plus travaillé, que le précédent. Ses appelants deviennent des sculptures, n’ayant plus grand chose à voir avec un accessoire de chasse. Sa réputation dépasse alors la région sétoise et le voila sollicité pour participer à tous les Salons de Chasse et d’Art Animalier : journées de l’Isle sur la sorgue, Saint-Gély, Game Fair à Chambord, Country show à Auteuil … partout il glane des prix … et des commandes !
Il sculpte alors de superbes bécasses, des perdreaux, tous les canards de la création pour des amateurs exigeants, utilisant tour à tour orme, peuplier, noyer, fruitiers, tilleul et quelques bois exotiques selon la finition ou la peinture demandées. Assisté lorsque c’est possible (ils ont trois enfants) de sa femme enseignante, ils fréquentent les expositions. En plus de trente ans, il a réalisé plus de 10000 canards et oiseaux et … il en a brûlé une bonne partie dont il n’était pas content !
Vers 1994 un PDG d’une société fort connue, lui propose la commande de rêve, la réalisation de tous les oiseaux de Camargue, du petit martin pêcheur au grand flamant rose, et ceci sur trois ans, aujourd’hui encore il pense toujours avoir oublié quelques espèces, la faune camarguaise est riche.
En 1995 la situation des dockers est fragile, il a une décision à prendre, désormais c’est la sculpture, son choix est fait. Les yeux bleus obstinés, la moustache épaisse, toujours souriant : « Vous savez, quand j’ai tué le mois dernier, avec mon fils, les premiers pilets qui sont venus dans les mannequins que je venais de faire, c’était la récompense. »
Joachim est né en 1977, partout il suit son père et surtout à la chasse. Son permis en poche à l’âge de 15 ans il récupérera le Browning familial et fera son premier doublé de siffleur en Camargue. Pendant 3 ans il fait les beaux-arts à Sète, mais plus secrètement il dessine depuis qu’il a l’âge de tenir un crayon, tout le long de sa scolarité ses professeurs de dessin et arts plastiques verront en lui un très gros potentiel artistique.
C’est à 22 ans qu’il décide de se lancer dans l’aventure auprès de son père, ne trouvant pas d’emploi dans le secteur commercial, ils décident de voir si leurs talents peuvent se conjuguer. Et cela fonctionne, l’engouement du public est grand et la progression de leur travail est spectaculaire. Joachim affectionne particulièrement les bois rares et précieux il cherche les meilleurs fournisseurs et obtient des variétés de bois vraiment surprenantes.
La tradition Sétoise a failli s’éteindre, à une plume près, elle sera perpétuée…